The Insider s’est entretenu avec Jonathan Humphries, responsable de la spécialisation Développement Hôtelier International et Finance, pour prendre le pouls du secteur de l’hospitality et découvrir les nouvelles tendances.
Dans le domaine de l’hospitality, Jonathan est un initié. En effet, il a travaillé pendant plusieurs décennies au sein de cabinets de consultants comme Arthur Andersen et Deloitte avant d’occuper des postes de direction chez Marriott International. Il est ensuite passé à l’enseignement tout en fondant simultanément HoCoSo, une société basée en Suisse spécialisée dans la création de solutions innovantes pour l’avenir de l’hospitality.
The Insider (TI) : Pouvez-vous me parler de votre activité et de ce qui vous anime ?
Jonathan Humphries (JH) : J’ai plusieurs fonctions en ce moment. Tout d’abord, je suis le responsable de la spécialisation Développement Hôtelier International et Finance à Glion depuis 2017. Mon rôle est de créer des ponts entre Glion et l’industrie. Faire naître de nouveaux développements, de nouvelles initiatives, de nouvelles marques, de nouveaux concepts et de nouvelles opportunités. Il s’agit également d’apporter des études de cas réelles, afin que les étudiants aient l’opportunité de travailler sur des projets réels, ce qui leur donne une vraie méthodologie. Cela leur permet, en soi, d’avoir de nouvelles perspectives. C’est vraiment différent de ce qu’ils ont pu faire auparavant, qui était principalement axé sur la marque, sur les opérations et les services et expériences.
L’angle que je leur propose est centré sur le propriétaire, l’investisseur et le moteur de l’industrie qu’est le financement. Si ces acteurs, ces visionnaires, ces investisseurs n’existaient pas, nous n’aurions pas l’industrie que nous avons aujourd’hui. Certaines des entreprises auxquelles nous nous référons : Four Seasons, Marriott International, Hilton… ne sont pas propriétaires des murs. Ce qui est assez surprenant pour les étudiants.
Il s’agit de faire comprendre aux étudiants qu’il y a d’autres acteurs dans l’industrie qui sont vraiment influents. Je veux leur donner l’occasion de parler le langage de l’immobilier et de l’investissement et de penser les choses de façon différente. Par exemple, si le sujet porte sur un nouveau concept de restaurant, ils doivent aller au-delà des besoins des consommateurs ; ils devront réfléchir au “comment” et au “pourquoi” des investisseurs.
De plus, c’est le seul programme de bachelor dans ce domaine spécialisé en Europe. Ainsi, nos étudiants obtiennent un diplôme avec une spécialisation dans cette discipline, englobant la gestion d’actifs, le développement et la finance.
D’autre part, je suis aussi chef d’entreprise. Je crée des concepts innovants pour l’avenir de l’hospitality et les fais tester sur le marché. Certains de nos clients sont des fonds d’investissement et des sociétés cotées en bourse. Par exemple, nous travaillons sur des concepts ultra-luxe tout compris et à l’autre extrémité du spectre, sur des appartements modulables avec des murs qui s’agencent à l’envie pour une vie en micro-logement.
J’ai aussi un autre rôle, qui est plus axé sur le partage d’informations. Que ce soit de la part d’experts, de leaders ou de visionnaires dans le domaine de l’hospitality et au-delà. J’anime la chaîne de podcast The HoCoSo Conversation. Cela est lié à mon parcours personnel et aux parcours personnels des autres. Lorsque je rencontre des gens vraiment fascinants et que je veux partager ces apprentissages, nous avons une conversation sur leur parcours, les prochaines tendances, leur point de vue. Par exemple, comment pouvons-nous envisager les relations différemment ? Comment pouvons-nous mener une vie plus saine ? Comment pouvons-nous nous améliorer ? J’invite un spécialiste de la construction communautaire, un expert en nutrition, un expert du sommeil, etc. et à travers notre discussion, nous révélons certaines leçons fondamentales de ce qu’il faut et de ce qui est nécessaire, ou ce que nous pouvons faire pour atteindre nos objectifs.
TI : Selon vous, quelles sont les prochaines tendances dans l’hospitality ?
JH : Je crois que c’est la “transformation personnelle”. C’est ce que les consommateurs recherchent. Il ne s’agit pas seulement d’écoresponsabilité, mais aussi de régénération. Les consommateurs recherchent des solutions holistiques. Ils se demandent, que puis-je apprendre ? Que puis-je développer dans ma vie ? Que puis-je créer dans ma communauté ? Dans mon environnement ? L’industrie de l’hospitality doit vraiment se concentrer sur cette perspective personnelle afin de créer des opportunités uniques pour ses clients. La plupart des acteurs de l’hospitality se concentrent sur la fourniture et la prestation de bons ou de très bons services. Mais il faut aller au-delà ! Et cela se reflète également dans bon nombre de nos épisodes de podcast sur The HoCoSo Conversation.
« Il ne s’agit pas seulement d’écoresponsabilité, mais aussi de régénération. Les consommateurs recherchent des solutions holistiques. Ils se demandent, que puis-je apprendre ? Que puis-je développer dans ma vie ? Que puis-je créer dans ma communauté ? Dans mon environnement ? »
Jonathan Humphries
TI : Comment définiriez-vous la pédagogie de Glion ?
JH : Je dirais “Application dans le monde réel”. Glion combine les théories académiques et les pratiques industrielles. C’est vraiment hybride, très appliqué, et cela prépare les étudiants aux vrais défis auxquels ils seront confrontés une fois sur le marché. Et cela leur donne les outils nécessaires pour penser de manière créative et apporter des innovations dans l’industrie.
TI : Avez-vous remarqué un changement dans les aspirations de vos étudiants ?
JH : Certainement, les étudiants recherchent davantage des approches holistiques. Avant, il s’agissait simplement d’acquérir davantage d’expérience dans ce domaine d’expertise. Pour vous donner un exemple concret : l’autre jour, nous avons invité un conférencier qui crée un complexe touristique entièrement régénératif, c’est-à-dire pleinement intégré à la nature et vivant en harmonie avec elle. Dans ce projet, des personnes ayant des difficultés mentales ou sociales, ou liés à l’immigration, sont réintégrées dans la société grâce à l’industrie de l’hospitality. C’est un projet social et un concept unique. Cet entrepreneur a dit à nos étudiants qu’il a pu créer ce projet car il croit en l’approche des “3 P” (Personnes, Planète et Profit) qui consiste à utiliser moins de capital et à rechercher des investisseurs qui ne sont pas uniquement axés sur le profit. Et le retour d’expérience des étudiants était : pourquoi n’y a-t-il pas plus d’entreprises de ce type ? J’ai répondu que l’industrie commence tout juste à créer ces études de cas. Vous pouvez voir combien de résistance ils rencontrent. Donc, je constate un changement dans l’approche. Les étudiants sont plus conscients. Ils se demandent dans quel genre d’environnement ils veulent travailler. Est-ce que cet environnement leur convient ou non ? Ils cherchent à trouver un but dans leur travail ou à trouver une entreprise pour leur fournir ce but. Et c’est un grand changement.
TI : Peut-on dire qu’ils recherchent de l’empathie ?
JH : On peut dire qu’ils recherchent une approche holistique, un équilibre. Ils comprennent le pragmatisme, ils comprennent la finance. Ils ne sont pas idéalistes, mais ils veulent être beaucoup plus holistiques. Je pense que dire “empathie” va un peu trop loin. Peut-être pour le leadership. Mais je n’ai pas cette impression chez les étudiants pour le moment.
TI : Quelles qualités pensez-vous qu’un leader de l’industrie de l’hospitality doit avoir ?
JH : J’ai co-créé un cours de leadership adaptatif pour le Master à Glion et on m’a demandé de présider une étude lors d’une conférence sur la manière dont l’industrie attire, retient et développe les meilleurs talents. J’ai donc créé une enquête pour les leaders. La question était, qu’attendent les équipes de la part des leaders de l’hospitality ? Le retour a révélé que le besoin le plus important était de créer du développement et des opportunités pour le personnel. Ensuite, il y avait la formation et la sécurité psychologique. D’autre part, j’ai posé la même question aux employés. Et leur première réponse était la sécurité psychologique. Par sécurité psychologique, j’entends la liberté d’être soi-même, sans être jugé et sans répercussion. C’est la liberté d’être soi-même, sans aucun impact. En classe, les étudiants veulent être respectés en tant qu’individus. Vous pouvez échouer, mais les leaders doivent vous soutenir. Les leaders doivent vraiment fournir cette sécurité psychologique. Avant Covid, si les choses allaient mal, vous sortiez, vous étiez viré. À l’avenir, ce dont nous avons vraiment besoin, c’est une communication réaliste, créant les bonnes attentes. Ce que nous pouvons contrôler en tant que leaders, c’est cet excellent environnement interne.
TI : Comment Glion permet-il à ses étudiants de comprendre les subtilités d’une industrie hôtelière en évolution ?
JH : Je ne peux parler que de la spécialisation BBA en Développement Hôtelier International et Finance Tout ce que je peux faire, c’est leur fournir les outils, les techniques et un état d’esprit pour les utiliser, et leur donner la confiance, pas l’arrogance, dont ils ont besoin pour faire face à toute situation à laquelle ils seront confrontés. Je peux leur fournir des bases solides, de sorte qu’ils ne soient pas surpris de manière très négative. Ils sont parfaitement capables de répondre de la bonne manière à la situation à laquelle ils sont confrontés. Même s’ils se trouvent dans une situation où ils sont perdus, ils ont la confiance de dire “OK, je ne sais pas comment faire cela, je vais chercher de l’aide auprès de ceux qui savent”.
J’ai l’impression que Glion offre à ses étudiants une base vraiment solide, car les projets que nous leur donnons à travailler sont très exigeants. Ils les exposent à la pression et à de fortes expériences d’apprentissage à l’université, de sorte que lorsqu’ils obtiennent leur diplôme, ils sont capables de regarder en arrière, de réfléchir et de tirer des enseignements de leurs expériences à Glion. Et après avoir parlé avec des anciens, j’ai entendu dire que cela avait été très utile dans leur vie professionnelle.
Donc, tout est question de compétences transférables. Il s’agit vraiment d’un état d’esprit, plus que tout autre chose, et de confiance. Beaucoup de gens pensent que parce que ces étudiants viennent principalement de milieux favorisés, ils sont extrêmement confiants. Cependant, leur confiance vient de la capacité à se tester et à se prouver à eux-mêmes. S’ils n’ont pas eu ces expériences, ils ne sont pas susceptibles de pouvoir développer cette confiance. Nous créons un environnement bienveillant où ils peuvent s’exprimer, acquérir de nouvelles techniques et compétences.
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