Après avoir lancé sa marque en avril 2020, présenté sa première collection haute couture fin janvier 2021, il est nommé directeur artistique de Rochas quelques semaines plus tard et dévoile en septembre 2021, sa première collection pour cette maison fondée en 1925. Avec ses silhouettes haute couture d’inspiration eighties, Charles de Vilmorin est, à 24 ans, le vent de fraîcheur qui souffle sur la mode. Pour The Insider, il partage une vision du luxe pleine de panache.
The Insider (TI) : Comment se lance-t-on si jeune dans le monde de la mode et du luxe ?
Charles de Vilmorin (CdV) : J’ai toujours été passionné et très inspiré par l’univers de la création et de l’art en général. Je dessine depuis toujours. Enfant, je voulais être metteur en scène de théâtre. J’ai commencé à vraiment m’intéresser à la mode, aux créateurs ainsi qu’aux défilés vers 12 ans. Après mon bac, je suis rentré à l’École de la Chambre Syndicale de la Haute Couture pour quatre ans d’études.
Mais, pour valider mon master, il fallait que je fasse un stage dans une maison mais je m’y suis pris trop tard. J’ai dû trouver un moyen pour gagner ma vie. À ce moment-là, j’ai eu l’opportunité de vendre à un collectionneur la quasi-totalité des pièces que j’avais confectionnées pendant mes études. J’avais toujours rêvé de créer ma marque et, même si je n’avais aucune expérience, je pouvais alors financer la création de mon entreprise et de ma première collection. Je ne connaissais absolument rien au fonctionnement d’une entreprise, je n’avais jamais vraiment travaillé au sein d’une marque mais, depuis la création de ma marque il y a un an, j’apprends tous les jours.
TI : Quelle est votre vision et votre définition du luxe ?
CdV : Je vais prendre un exemple très concret. Jean Paul Gaultier m’a parrainé pour présenter une collection lors de la semaine de la Haute Couture Printemps-Été 2021. J’étais plein d’appréhension, car c’était seulement ma deuxième vraie collection. Je voulais honorer cette invitation, je me suis alors demandé comment apporter quelque chose de luxueux mais d’abordable. J’ai donc décidé de fabriquer des pièces uniques qui me ressemblent : aux couleurs vives, peintes à la main, et aux formes géométriques volumineuses. Ces pièces sont luxueuses par leur rareté et leur confection artisanale, plus que par leur valeur en termes de matériaux, puisque ce sont des tissus assez simples peints à la gouache.
Je pense que le luxe n’est pas seulement lié à une valeur financière, le luxe dépend de l’intention qui est mise dans la confection d’une pièce, aussi rare soit-elle, et de l’histoire qu’elle raconte. Que ce soit des petites mains qui fabriquent des pièces brodées incroyables ou moi dans ma cave qui peint mes tissus, à partir du moment où l’artiste met toute son âme dans la création, c’est du luxe.
TI : Quel est votre rapport au luxe ?
CdV : Il y a un vrai tournant qui est en train de s’opérer dans cette notion de luxe. On sort un peu de l’aspect patrimonial du luxe pour valoriser une dimension plus brute et artisanale. Au sein de ma marque, j’ai vraiment envie de proposer des pièces qui sont luxueuses parce qu’elles sont personnelles. Une pièce peut coûter extrêmement chère et être réalisée avec des matériaux fantastiques, si elle ne dégage aucune émotion, ce n’est pas vraiment du luxe à mes yeux. Il faut qu’il y ait quelque chose de très sensoriel. C’est ça qui est beau.
TI : Quel est votre plus beau souvenir en lien avec le luxe ?
CdV : À la fin de mon stage de troisième chez Lanvin, avec Albert Elbaz comme directeur artistique dont j’étais absolument fan, j’ai rapporté chez moi des sacs pleins à craquer de chutes de tissus Lanvin. Je me suis retrouvé dans ma chambre à déballer des échantillons, des morceaux brodés, des tests de plissés… C’étaient les tissus du dernier défilé, je voyais les vêtements en mouvement et j’avais les tissus dans les mains, dans ma chambre. À ce moment-là, je me suis vraiment senti privilégié, c’était très émouvant.
« En tant qu’artiste, artisan ou créateur, notre personnalité, « notre différence », est notre plus grande force. À partir du moment où l’on est soi-même, à cent pour cent, ce que l’on fera ne ressemblera jamais à ce que fera quelqu’un d’autre. »
Charles de Vilmorin
TI : Quel a été le rôle de l’éducation dans votre parcours ? Comment vous a-t-elle aidé et donné des clés pour construire votre propre marque ?
CdV : Je n’ai jamais été très à l’aise dans le milieu scolaire. Ma première année d’études a été assez compliquée. Au début, les professeurs ne comprenaient pas ma manière de fonctionner. Les écoles d’art françaises en général, comparées aux écoles anglo-saxonnes par exemple, cherchent souvent à formater les étudiants. Je n’étais pas dans cette optique et ils ont été très compréhensifs et ouverts.
Ces années ont été extrêmement riches et intenses, pleines de belles rencontres dont je garde des souvenirs incroyables. Mais surtout, elles m’ont vraiment permis de forger mon univers. Au sein d’une promotion, inconsciemment, il y a un esprit de compétition, qui n’est pas malsain du tout. Je voyais les projets des autres et je me disais : « il faut que je fasse mieux ». C’est important de repousser ses limites. On rentre dans une espèce de transe créative et c’est justement en me poussant à bout que j’ai découvert mon univers personnel.
TI : Auriez-vous créé votre marque sans votre cursus à l’École de la Chambre Syndicale de la Haute Couture ?
CdV : Oui je pense, mais la Chambre m’a donné les moyens de m’exprimer et de me découvrir. De découvrir ma manière de travailler et évidemment d’apprendre. Je n’avais jamais touché à une machine à coudre avant d’y rentrer.
TI : Quel conseil donneriez-vous à un jeune qui aimerait travailler dans l’univers de la mode et du luxe ?
CdV : C’est peut-être bateau mais il ne faut pas avoir peur parce que tout est possible. Il y a une place pour tout le monde. Il faut juste y croire et, même si ça ne marche pas du premier coup, il faut s’accrocher et défendre ses idées. En tant qu’artiste, artisan ou créateur, notre personnalité, « notre différence », est notre plus grande force. À partir du moment où l’on est soi-même, à cent pour cent, ce que l’on fera ne ressemblera jamais à ce que fera quelqu’un d’autre.
TI : Selon vous, quel sera le luxe de demain ?
CdV : Il y a dans le luxe cette notion de savoir-faire, d’artisanat et de travail manuel qui perdure malgré les nombreuses évolutions technologiques. Je pense qu’aucune machine ne peut remplacer cela mais permet d’amplifier les savoir-faire existants. Je suis très optimiste quant à l’avenir du luxe, il y a tellement de choses à inventer.
Quand le luxe, l’artisanat et la technologie se mélangent, cela donne naissance à des innovations incroyables. À mon sens, le luxe va devenir encore plus magique grâce au digital qui permet de raconter d’autres histoires. C’est vraiment un moyen d’expression qui démultiplie les possibilités infinies de créer. Le luxe a un vrai message à apporter en termes de responsabilité sociétale et environnementale.
Quoi qu’il arrive, le luxe continuera d’enchanter et de faire rêver.
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Crédits :
Toutes les images sont la propriété de Charles de Vilmorin
Image principale : Collection de blousons bombers
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